Deux critiques du dernier film de Noémie Lvovsky, vu au Poitiers Film Festival

 

LA MAGIE DE NOÉMIE

 

La Grande Magie est un film de Noémie Lvovsky, grande réalisatrice française, mais aussi actrice de Viens je t’emmène, l’Apollonide ou encore Dis moi oui, dis moi non. Même si son long métrage réunit toutes les caractéristiques d’une comédie musicale (c’est-à-dire des personnages chantant et dansant), la réalisatrice n’est pas complètement à l’aise avec cette appellation. Et pour cause : la majorité des acteurs ne sont ni des chanteurs ni des danseurs, ce qui rend le film d’autant plus intéressant... mais d’autant plus difficile à interpréter pour les acteurs que les musiques sont enregistrées en son direct. Pour résumer, ce film est l’histoire d’un homme qui tombe dans la folie, en attendant de retrouver sa femme disparue lors d’un tour de magie. C’est une histoire adaptée d’une pièce de théâtre de Eduardo de Filippo. Cela explique pourquoi le film est découpé en trois actes séparés par des cartons. Dans celui-ci, on bascule entre deux mondes : le monde réel et le monde créé par le mari désesperé, dans lequel il s’est enfermé. La détresse du mari ainsi que la mort d’un personnage attachant en font un film émouvant, avec un très bon équilibre entre les scènes tristes et les scènes drôles. D’ailleurs, Lvovsky utilise de nombreux procédés pour faire rire le spectateur, mon préféré étant l’utilisation de l’avance rapide. Je trouve que cela donne un humour à l’ancienne très burlesque mais aussi très efficace. Ce film, aussi drôle que sérieux, sortira en France en janvier 2023, et je peux vous certifier que vous allez l’adorer !

Asanya Rey, 1G6

 

LA GRANDE ILLUSION

 

Noémie Lvovsky dit de son 8e long métrage : « pour moi ce n’est pas une comédie musicale, la comédie musicale, c’est trop haut ». Et pourtant, je trouve justement que son film est une comédie musicale des plus sincères et réussies de ces derniers temps. Nous voyageons aux côtés d’une troupe de magiciens et le film allie à la perfection la magie du cinéma et celle du spectacle. C’est ce que je trouve le plus intéressant dans cette œuvre : nous ne regardons pas une captation théâtrale ni un film, mais bien un spectacle cinématographique. Nous sommes plongés dans cette magie, éternelle pour certains et momentanée pour d’autres. La réalisatrice fait ainsi une référence explicite dans son film au cinéaste Georges Méliès qui lui-même était magicien. Ce dernier avait découvert et compris (comme la réalisatrice !) le potentiel de mise en scène que permet l’illusion du cinéma, inventé par les frères Lumière, l’illusion étant le fondement principal de la narration de La Grande Magie.

Le scenario, coécrit par Florence Seyvos, Noémie Lvovsky et Maud Ameline est tiré d’une pièce de théâtre italienne mais s’en détache librement pour s’imprégner du fond en remodelant la forme. La scène marquante de l’oiseau écrasé et mort dans le double fond de la cagenous dévoile la réalité derrière le tour de magie etreprésente implicitement la fuite de Martha (Judith Chemla) s’évadant de la cage que son mari avait construite autour d’elle : choisit-elle la mort en choisissant la liberté ? La cinéaste ne craint pas de montrer la mort, que d’autres(réalisateurs)préfèrent éluder. Elle l’assume et la sublime même.

Le casting (de Marion Touitou) sert parfaitement l’alchimie entre comédiens et personnages, notamment entre François Morel (Albert) et Noémie Lvovsky elle-même (Zaïra, qui nous propose une performance d’actrice-réalisatrice formidable), un couple magique bien à sa manière. Le spectateur partage l’amusement et le plaisir que l’équipe a vécus lors du tournage de façon presque translucide. Les chansons sont toutes pleines d’humour et d’amour, accompagnées par des chorégraphies qui n’ont pas besoin d’être extravagantes pour nous donner envie de bouger en rythme avec les personnages. Je crois que toute la sincérité de cette comédie musicale se trouve dans le fait qu’aucun des acteurs ne soit chanteur ni danseur et que toutes les scènes de chant et de danse soient intra diégétiques, sans aucune doublure. Les comédiens, ni chanteurs ni danseurs, se dévoilent au spectateur en se mettant à nu devant la caméra et en sortant tous de leur zone de confort.

En un mot, La Grande Magie est un film à découvrir, que nous soyons adeptes de comédie musicale ou non. C’est une ouverture à ce genre bien particulier qui ne laisse personne sur le bord de la roulotte !

Louis-Victor Jarraud de Verac, TG7